Lundi 14h - 19h

Mardi - Samedi : 10h - 12h30, 14h - 19h

 

 

 

 

 

Thierry C.

http://lesangnoir.wordpress.com/

«Acheter des livres serait une bonne chose si l’on pouvait simultanément acheter le temps de les lire.» Schopenhauer
Et à quoi sert la littérature?
Peut-être à essayer de vivre selon les nuances car la littérature est «maîtresse des nuances» disait Barthes.
La littérature «s'embarrasse» de nuances. Ne se sépare de personne.
Elle s’intéresse aux différences, aux subtiles différences, aux sensibles singularités.
Elle veut comprendre. Raconter. Regarder. Éclairer l’existence.
Teinter la vie. Sucrer, saler la vie.
La littérature aide à respirer. Reprendre souffle. A souffler, un peu. Sûrement!

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22 juin 2012

Amis bretons, bonjour !

Anatole Le Braz. Vous connaissez ? Moi, non ! Jamais entendu parlé de lui. Son vrai nom est Anatole Jean François Marie Lebras et il a été nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1897. Né à Saint Servais, au pied des Monts d'Arrée en Bretagne, il a fait ses études universitaires à Paris. Professeur, écrivain, poète, conteur et collecteur de mémoire, amoureux du Trégor et habitant de Port-Blanc. Anatole Le Braz est né en 1859 et mort en1926. Il publie en 1893 «La Légende de la Mort chez les Bretons Armoricains», récits et témoignages recueillis auprès de paysans et de marins, et le «Le gardien du feu» paraît en 1900.


Alors, Le Braz, un écrivain régionaliste au goût de chouchen et de crêpes bretonnes au beurre salé ?
N'ayez pas peur, ce livre n'est pas écrit en breton mais en bon français, très bon français.
Un thriller ? Un roman romantique ? Un roman gothique ?
Que sais-je ?
Nous y voilà. Le pitch comme on dit à la télé qu'il ne faut surtout pas regarder.
Nous sommes en 1876. Y'a Goulven Denès, le gars de
l'intérieur des terres, le Léonard, le gars de Léon quoi, pas très doué pour la mer...ni pour l'amour. Faute de mieux (sa mère le verrait bien curé !), il s'engage dans la marine marchande avant de finir (oui, finir sera bien le mot de la fin !) gardien de phare. "Une haute silhouette de pierre dressée en plein Raz, dans une solitude éternelle, au milieu d'une mer farouche agitée d'incessants remous et dont les sourires même, les jours de calme, ont quelque chose d'énigmatique et d'inquiétant." Le phare de Gorlébella. Et puis y'a Adèle Lézurec, la sirène au front romantique, qui chante et qui lit, Adèle la Trégorroise, la belle de mer, douée pour la vie, douée pour l'amour. Rien ne les assemble, ils ont tout pour ne pas se rencontrer et pourtant ils vont se marier, peut-être s'aimer ? Goulven est amoureux fou (oui, fou sera bien le mot de la fin !).
L'Adèle de mer est-elle heureuse près de ce sombre et laborieux Goulven de terre, trop terrien ?
De ce livre je ne vais rien vous cacher car vous le saurez dès la première page : Goulven va enfermer dans "son" phare sa belle aimée et son amant (celui qui prend sa relève au phare !). Enfin "soi disant" amant. A vous de juger ! Allez-vous croire sur paroles (?) un perroquet des îles et une vieille bigote superstitieuse ? Ils vont agoniser pendant treize jours. Goulven se suicidera en se jetant du haut du phare. Terrible ! Alors pourquoi lire la suite ?
Et bien parce que l'auteur sait nous y conduire avec mers et merveilles. Ce roman est une tempête. Il donne le vertige !
Un coup de coeur...un coup au coeur !
Fortement recommandé !

" Lorsqu'on la contemple en toute sécurité de la chambre d'un phare ou de la maisonnette blanche d'un sémaphore, comme cela, oui, je comprends la mer. Autrement, non ! Paradis des hommes, mais
enfer des femmes !...."

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22 juin 2012

Polar punk !

«Si tu continues à emmerder les morts, viens pas pleurer quand les monstres sortiront de leur cercueil.»

Pour les spécialistes, sur le frise chronologique de l’Histoire du rock, ça se situe entre le punk et la britpop. C’est l’époque de la Cold Wave. Tendance Joy Division, Siouxsie and The Banshees, Pil ou The Cure.

1977. Dans le Yorkshire. Hull, ses pubs enfumés, ses skinheads, ses hooligans de Leeds United et ses docks.
Dans le nord-est de l’Angleterre. Regardez sur une carte, c’est juste avant l’Ecosse, côté Mer du Nord. Ville industrielle frappée par la crise.

Quatre gamins forment Blood Truth, un groupe post-punk.
Steve Mullin à la guitare, Kevin Holme à la batterie, Lynton à la basse et Vincent Smith au chant.
En ce temps là, les groupes de rock poussaient comme des champignons dans une forêt de ma Corrèze natale par un automne pluvieux, c’est peu dire.
Chaque pub avait sa scène pour accueillir ces «mioches» qui se prenaient tous pour Johnny Rotten ou Joe Strummer.
Blood Truth a le vent en poupe : concerts mémorables et entrées dans les charts. Quand subitement, Vincent Smith disparaît...

Le casting.
Gavin Granger le photographe de rock. Sylviana la chanteuse de Mood Violet un groupe électro.
Margaret Tatcher, la montée du National Front, les boutiques de Vivienne Westwood, le quartier chaud-bouillant de Camden à Londres,
Et Eddie Bracknell un jeune journaliste un peu looser (sa Louise vient de le quitter) qui cherche le scoop qui le remettra sur les bons rails.
Les drogues, les amours trahis, les violences de rues et les violences conjugales, l’alcoolisme, le racisme, les tournées de concerts et les tournées de bière...
Et Cathi Unsworth l’auteur de ce remarquable polar qui nous plonge dans un Londres électrique.
Ce livre est un régal pour tous les amoureux de la scène musicale anglaise des années 70-80.
J’applaudis et je dis (en dansant le pogo) : bravo Cathi Unsworth !

«Les apparences étaient trompeuses, au pays merveilleux du postpunk. Mais que devais-je faire, maintenant ? Plonger dedans, en tirer une véritable étude sur l’univers impitoyable de l’industrie musicale, ou me contenter de ce que j’avais, emprunter la route la plus sûre et éviter de réveiller de leur long sommeil d’autres esprits malades ?»

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6 juin 2012

Londres électrique !

Londres. Le Londres hanté par ses fantômes. Londres d’ombres malfaisantes et de brouillard suspect.
Sombres pubs, rues malfamées, sex drugs and rock’n’roll.
Touristes en goguette, passez votre chemin.
Vous allez suivre une sorte de guide affûté du routard d’un genre plutôt accidenté, pas très recommandable.

Dix-sept noires nouvelles de Londres publiées dans la collection «Asphalte Noir» (ici rééditées dans la collection Folio Policier) accompagnées par la bande-son qui va avec : The Clash et The Fall pour ne citer que les plus hargneux !
(Non, non, ne cherchez pas les vinyles ou les CD à l’intérieur, ne sont pas fournis avec, et puis quoi encore, pourquoi pas un aller-retour par l’Eurostar comme marque-page tant que vous y êtes !)

Cathi Unsworth vit à Londres. Journaliste et critique musicale, elle a travaillé pour «Melody Maker», «Sounds», «Mojo», «Uncut» et «Bizarre». Elle écrit aussi des romans noirs.
Elle recueille ici, rien que pour vous cher lecteur aux allures british, des nouvelles de John Williams, Ken Bruen ou Sylvie Simmons. Entre autres moins connus.
Chaque nouvelle dure le temps d’une pinte de bière, le temps d’écouter «London Calling» ou «Anarchy in the UK», une vingtaine de pages.

«Ce que vous tenez entre les mains n’est pas une anthologie de nouvelles noires qui se déroulent à Londres, mais plutôt une anthologie qui sont Londres.»

Descente en enfer assurée...avec coulées de bière, volutes de fumées opiacées et riffs rageants de guitares désaccordées offerts gracieusement !

Sensations fortes garanties sur fond de pub-rock !
So british, isn't it ?

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4 juin 2012

Staline est mort !

«Jour après jour, Dulac s'était accoutumé à tout ce que Paris faisait de gris. Les chaussées, les immeubles, les toits, les gouttières, les pigeons, les fidèles nuages, les surprenantes éclaircies gris clair, sans omettre toutes ces nuances de gris qu'aimait porter la population élégante.»

Nous sommes en 1953 à Paris.
L’église Sainte-Jeanne-de-Chantal est encore en travaux : victime d’une bombe alliée en 1944. La guerre c’était juste hier...
Le p’tit Dulac a 8 ans. Il aura 23 ans en mai 68.

La famille Dulac vient de s’installer dans le quartier Saint-Cloud.
Manou la maman, Lou le papa, Flossie la soeur, Sony le basset et le p’tit Dulac.

C’est la guerre froide.
«Tu sais ce que c’est la guerre froide ? Non ? Eh bien, si une guerre atomique se déclenche, tout le monde sera effacé de la carte. Les vainqueurs seront les vaincus, les vaincus seront les vainqueurs. Ca, c’est la guerre atomique. La guerre froide, c’est l’art d’éviter la guerre atomique, tout en conservant les moyens.» explique le père à son fils.

Paris n’est pas encore Paris.
«Terrain vague, dont les creux et les bosses avaient donné accueil à toutes les plantes, buissons et arbustes d’espèces nomades qui prenaient racine dans les zones que la ville n’avait pas encore domestiquées.»

La famille Dulac rentre de Singapour où Lou, le père, était attaché naval depuis trois ans.
22 jours de traversée à bord du «Félix Roussel» des Messageries Maritimes.
Pour le p’tit Dulac Paris est un nouveau monde.
A l’école on le surnomme «l’Angliche» ou «Racho» comme rachitique.

Ce roman joliment écrit raconte, avec élégance et sensibilité, les tribulations du nouveau p’tit parisien entrecoupées de souvenirs de la maison blanche de Bukit Timah à Singapour.

A Paris c’est le temps des places de cinéma à cinq cents francs, des films de Jean Renoir avant la Nouvelle Vague.

A Singapour c’est le souvenir des fakirs et des charmeurs de serpent, de l’air moite, des bananiers et des lourds parfums.

C’est un livre très émouvant, triste et amusant, qui sait parler de l’enfance et faire parler les enfants. Un exercice souvent périlleux. Ici parfaitement réussi.
C’est aussi un livre de notre Histoire de France. Celle de la France des années cinquante. La France des années du président Coty et des 4CV.

Le p’tit Dulac aura vécu onze ans avec son père. Onze ans avec Lou.
Un beau voyage dans le temps, mélancolique juste comme il faut, assez pour verser une larme à la fin.

Ce livre a obtenu le Prix Jean-Freustié 2012.

13ème note éditions

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28 mai 2012

Une magnifique découverte !

«Ce matin-là, très tôt, quand j’ai ouvert l’oeil, c’était déjà l’été. Sans quitter mon sac de couchage, j’ai regardé par la fenêtre. Le ciel était clair et bleu, presque sans nuages.»

Ainsi commence l’histoire de Charley Thompson.

J’ai un faible pour les livres publiés par la toute jeune maison d’éditions (quatre ans d’âge) «13e note Editions». J’avoue.
Spécialité maison : la découverte de jeunes auteurs américains nourris aux John Fante, Henri Miller, John Steinbeck ou Raymond Carver.
Rien que du bon !

Et là, ce Willy Vlautin que je ne connaissais pas, c’est du bon.
J’ai adoré !
Un délice de lecture. Un régal. Que du plaisir.
Style épuré, mots simples, sobriété mais avec plein, plein d’émotions et d’humanité cachés dessous.

L’histoire ?
C’est celle de Charley Thompson, 15 ans, une sorte de Huckleberry Finn à la Mark Twain.

Mère inconnue, père à la dérive.
Charley se débrouille pour vivre. Comme il peut. Seul.
Vols à l’étalage pour se nourrir.
Charley aime courir. Il rêve de devenir un champion de football américain.

Il va rencontrer Del, un vieil homme gérant d’une écurie de chevaux de courses. Ecurie, chevaux, tout est à l’image du bonhomme : en piteux état.
Charley va travailler pour lui : nettoyer les écuries, promener les chevaux...faut bien manger.
Charley va s’attacher à un cheval nommé «Lean on Pete»
...faut bien se confier à quelqu’un.
«Lean on Pete» est le titre original du livre.
Mais les aventures de notre Charley ne font que commencer...
Il va aller de rencontres en rencontres, de caravanes délabrées en ranchs abandonnés, de villes en villes, de motels en motels à travers une Amérique loin, très loin de l’Amérique que chantait Joe Dassin (pas mal comme référence, non, faudrait voir à réviser vos classiques de la chanson française).
L’Amérique de la malbouffe, des déclassés, des alcooliques et des drogués.
Attention, je vous vois venir avec vos grosses bottes de cow-boys toutes crottées, vous commencez à râler, oui, encore un bouquin dégoulinant de misérabilisme, du bien sordide quoi.
Mais non. Tout le contraire. Ce livre est très attachant, très tendre.
Vous aurez beaucoup, beaucoup de peine à quitter Charley et je vous vois même déjà verser une petite larme...ça la fout bien pour un cow-boy !

Digne des plus grands «dirty realists» américains.
Sais pas si je vous ai convaincus de lire ce livre mais je vous le dis bien clairement : lisez ce livre !

«Mes personnages acceptent leur sort. Pour eux, ce n’est pas tant une lutte pour s’en sortir, qu’une lutte quotidienne pour rester à flot.» W Vlautin