Lundi 14h - 19h

Mardi - Samedi : 10h - 12h30, 14h - 19h

 

 

 

 

 

Thierry C.

http://lesangnoir.wordpress.com/

«Acheter des livres serait une bonne chose si l’on pouvait simultanément acheter le temps de les lire.» Schopenhauer
Et à quoi sert la littérature?
Peut-être à essayer de vivre selon les nuances car la littérature est «maîtresse des nuances» disait Barthes.
La littérature «s'embarrasse» de nuances. Ne se sépare de personne.
Elle s’intéresse aux différences, aux subtiles différences, aux sensibles singularités.
Elle veut comprendre. Raconter. Regarder. Éclairer l’existence.
Teinter la vie. Sucrer, saler la vie.
La littérature aide à respirer. Reprendre souffle. A souffler, un peu. Sûrement!

Alliot, David

Horay

Conseillé par
24 juin 2012

David Alliot est un écrivain français, spécialiste de Louis-Ferdinand Céline et du poète martiniquais Aimé Césaire, passionné par les formes de langage et par les livres.
David Alliot est ancien formateur et responsable pédagogique des BTS au sein de l'Asfored et formateur à l'Institut National de Formation de la Librairie (INFL).
David Alliot travaille également comme éditeur indépendant auprès de différentes maisons d'édition, chronique des livres dans le Magazine des Livres depuis 2008.

Un malicieuse idée que ce recueil de perles de librairies.
"Ils sont des milliers de clients à pousser les portes d'une librairie, à la recherche d'un livre, d'un conseil, d'une référence, s'approchant du libraire pour bredouiller une question saugrenue, un nom d'auteur griffoné à la hâte, phonétiquement..."

Ne me dites pas que cela ne vous est jamais arrivé, je ne vous croirai pas !
Allez, avouez-le. Vous êtes déjà entré dans une librairie pour trouver un livre dont vous avez oublié le titre ou l'auteur.
Vous bafouillez alors une grosse, grosse bêtise.
Allez, allez, un peu de honte n'a jamais tuer personne.
Bah, ne faites pas semblant de ne pas comprendre.
Je vous vois déjà le rose aux joues.
Ca restera entre nous, je vous le promets !
Non, jamais ?

Ben, moi, j'y suis passé. Et pas qu'une fois !
Entré dans une librairie et là, d'un coup d'un seul, face au libraire très attentif, impatient et indulgent : le trou, la gaffe.
Et on se sent bien seul.

Dans ce petit recueil, l'auteur (jamais moqueur) nous enfile les perles.
Des vertes et des pas mures, des tendres et des énormes, des hilarantes et des souriantes.
Un p'tit florilège, pour la route.

"Le Père Corniaud" ou "La cousine bête" de Balzac.
"Le Mythe décisif" de Camus.
"L'os" de Cendrars.
"Attila" de Chateaubriand.
"Le Cidre" de Corneille
"Le neveu de Rimbaud" de Diderot
"Les lésions dangereuses" de Laclos.
"Vous avez des livres de Monsieur Beck ? Stein Beck ?"
"Où se trouve la collection : Qu'est-ce que j'en sais ?"
"Ah oui ! Le Nothomb est paru. Comme tous les ans.
C'est septembre déjà. A propos, faites-moi penser de commander du fuel pour l'hiver."

Alors, ça vous a plu ?
Un peu de douceur dans notre monde de brutes !

Conseillé par
24 juin 2012

"Au cours d'une vie, seuls quelques instants sont décisifs.
La plupart d'entre nous les oublient aussitôt, jusqu'à ce qu'ils ressurgissent sans crier gare bien des années plus tard et, avec le recul, prennent tout leurs sens..."

Dublin. Faithful Place. Quartier des Liberties. Années 80.
La misère, l'alcoolisme, le chômage.
Derrière les ombres de l'usine Guinness la violence déborde, saborde la vie du peuple des bas-fonds.

Frank Mackey est flic à la Garda irlandaise, brigade des opérations secrètes.
"Si l'on aime chasser comme un chien haletant qui bondit sur la piste à peine libéré de sa laisse, on entre dans la Criminelle.
Si l'on opte pour les infiltrés, ce qui avait toujours été mon choix, on apprend à chasser comme les chats : se mettre en embuscade, s'aplatir et se rapprocher très lentement, sans se faire repérer."


Divorcé d'Olivia et attendrissant papa poule d'Holly, neuf ans (les dialogues entre père et fille sont remarquables et très émouvants).
Elevé "à la main" (comme dirait Dickens) comme ses soeurs Carmel et Jackie, ses frères Shay et Kevin : père alcoolique et mère braillarde.
Ici ça crie et ça tape fort !
"Toilettes au fond du jardin. On se lavait au milieu de la cuisine, dans une bassine."
Voilà le décor est bien planté, enfoncé, délabré.
Dublin, la grise héroïne de cette histoire sordide.

"Nous, les Mackey, nous avons le cheveu épais ; nous sommes taciturnes, durs à cuire, faits pour trimer sous le ciel changeant de Dublin."

Un coup de téléphone de sa soeur Jackie va réveiller le passé de Frank et le faire revenir dans ses quartiers qu'il a fuis

Après quoi ?
C'était il y a dix-neuf ans. Il avait donné rendez-vous à Rosie Daly.
"En ce temps-là, Dublin était grise. Rosie, elle, nous offrait toutes les couleurs de l'été..."
L'amour, un ticket pour Londres, fuir cette minable vie mais...
Rosie n'est jamais venue.
A t-elle trahi ? Eu peur ? Ou bien...
Un secret bien gardé dans les entrailles du quartier maudit des Liberties.
Et bien, cher lecteur, je vais m'arrêter là, vous laisser en rade de Dublin, je ne vais pas vous en dire plus.
Qu'est-ce que vous croyez ?
Que j'allais vous dévoiler le happy, unhappy end ?
Désolé !
Je vous envie déjà de vous voir ouvrir ce polar à la première page, la première phrase : "Au cours d'une vie, seuls quelques instants sont décisifs..."

Ce polar est remarquable !
Mais ce n'est pas qu'un polar.
C'est (surtout ?) un livre bien trempé dans le Dublin miséreux.
Vous allez plonger, tête première, plein pieds, plein coeur dans la vie de Frank Mackey et, suffocant, bouche ouverte, supplier le dénouement.

Un conseil d'ami : lisez ce livre et vous m'en donnerez des nouvelles !

"Tout le monde se déchire. Parents, amants, frères et soeurs...Plus on est proche de quelqu'un, plus on lui fait du mal..."

L'histoire extraordinaire des Rolling Stones

Flammarion

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24 juin 2012

Critique
Bon sang !
Dieu sait si j'en ai lu des livres sur les Stones mais celui-là,
c'est le bon.
Du très bon.
Le meilleur.
S'il n'en fallait qu'un ce serait celui-là.
Les Stones des années 60-70 parce qu'après, hum, hum, comment dire, ça se gâte quoi !

Le Londres des petits clubs au sous-sol des pubs, le Swinging London, la mort de Brian Jones, le célèbre concert tragique d'Altamont...
Sexe, drug and rock'n'roll.

Stanley Booth a suivi ces diables de Stones lors de leur tournée américaine de 1969.
Stanley Booth est né le 5 janvier 1942 à Waycross en Géorgie. Célèbre journaliste musical, il a beaucoup écrit sur des
légendes musicales telles que Keith Richards, Otis Redding,
Janis Joplin, James Brown, Elvis Presley, B.B. King et Al
Green. Il vit à présent dans le sud des Etats-Unis.

Un agité road movie accompagné de photos d'époque comme un témoignage du temps de la naissance du rock, du rock pas encore bling-bling.
Le vrai celui qui sent la poudre, le diable, l'Afrique...
Comme dans une sorte de grotte de Lascaux du rock.
Visite guidée : sensations fortes et frissons garantis.
"Regarde là, la danse de Jagger !"
"Et là ce riff de Keith Richard !"

Après "La chanson de Roland", "L'Iliade et l'Odyssée" et "Le roman de la rose", voici "Dance with the Devil".
Oui, oui, je sais, j'exagère...mais j'aime bien !

It's only rock'n'roll but i like it, i like it !

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24 juin 2012

"Tu t'es servi de nous. Tu nous racontais qu'on n'avait aucun avenir, qu'on devait se battre pour gagner une vie meilleure. Tu nous fourrais les armes entre les mains et tu nous envoyais à ta place."

Gerry Fegan vit avec ses fantômes. Hanté par son passé.

Gerry était l'exécutant des basses oeuvres, le tueur à gages de l'IRA, l'Armée Républicaine Irlandaise.
En anglais : Irish Republican Army, en irlandais : Óglaigh na hÉireann.
C'était il y a une vingtaine d'années.
Le sale boulot, c'était lui. Il avait dix-huit ans, à peine.
Déposer une bombe, achever un blessé, abréger les souffrances d'un prisonnier torturé.
C'était lui.
Gerry le bourreau.

Il était aux ordres d'une nébuleuse hiérarchie.
Celle de l'IRA.
L'IRA c'était une armée comme toutes les armées.
Avec ses grands chefs, ses sous-chefs et ses petits soldats envoyés au front.
Les gants blancs et les mains sales.

Gerry sort de prison. Il a payé.
Dehors, à sa libération, douze fantômes l'attendent.
Douze, comme les douzes Apôtres.
Les douzes personnes qu'il a assassinées.
L'alcool ne pourra rien y faire. Ils sont bel et bien là à le poursuivre, nuit et jour. Et ils demandent vengeance.
Ils les appellent ses "suiveurs".
" Ces ombres, elles lui étaient apparues pendant les dernières semaines de son séjour à la prison de Maze, il y avait un peu plus de sept ans. On venait de lui communiquer sa date de sortie et, ce jour-là, il avait la bouche sèche en ouvrant l'enveloppe cachetée qui contenait l'imprimé. A l'extérieur, les politiciens luttaient pour obtenir la libération de centaines d'hommes et de femmes comme lui qu'ils appelaient ''prisonniers politiques''."

Gerry a perdu la boule.
Gerry la victime.
Il parle à ses fantômes qui lui demandent d'exécuter les commanditaires de ses meurtres.
Et il va leur obéir.
Les vrais coupables doivent payer : les grands chefs et les sous-chefs, tous !
Alors Gerry va commencer sa chasse à l'homme.

Certains sont maintenant au sommet.
Des politiques respectables.
Costume-cravate, belles voitures et belles nanas importées des pays de l'est. Argent louche.
En façade, les beaux discours indépendantistes sous la bannière irlandaise.
Le processus de paix est en marche en Irlande du Nord.
Alors que vont devenir tous ces tueurs, ces soldats de la "bonne" cause ?
Certains qui s'avèrent à présent gênants seront tout simplement liquidés ou explicitement sommés de disparaître.
D'autres déposeront les armes et se reconvertiront dans la noble politique ou dans un honorable commerce ou...dans la mafia.
Beaucoup ne s'en remettront pas : alcool, drogue, suicide, dépression.
"La lutte pour la réunification avait perdu son sens, le Nord incarnant maintenant le parent pauvre, les enfants bâtards qu'on avait pas le coeur de renvoyer. Mais l'autre Irlande ne voulait plus d'eux."

Gerry va mettre son grain de sel, son poing sur la table, arme au poing dans cette "nouvelle Irlande" et raviver les plaies encore entrouvertes.
A vif !
Les anciennes haines, les batailles de rues dans le quartier de Falls Road, le "bloody sunday" les attentats, les meurtres de sang froid, les braquages, les prises d'otages, les tortures, les trahisons et les agents doubles, les obscures tractations politiques en coulisse.
Neville porte un regard implacable sur l'IRA qui va faire grincer bien des dents dans les chaumières irlandaises.

Gerry veut s'en sortir.
D'abord arrêter de boire. Puis se débarasser de ses fantômes. Enfin refaire sa vie avec Marie.
La troublante Marie au passé trouble...
Un espoir, la rédomption, peut-être...
L'amour, toujours l'amour.
Mais Gerry est devenu trop dangereux.
Il faut s'en débarasser. A tout prix !
La double chasse à l'homme commence...

Nous sommes dans un thriller (de l'anglais to thrill, frémir).
"La caractéristique commune des œuvres appartenant au thriller est de chercher à provoquer chez le spectateur ou le lecteur une certaine tension, voire un sentiment de peur (qu'il doit cependant trouver agréable) à l'idée de ce qui pourrait arriver aux personnages dans la suite du récit."
Merci Wikipédia.

Et là, dans ce thriller politique, ça marche, ça court même.
La mort au trousse.
Dans les rues de Belfast coule le sang. Veines catholiques et veines protestantes : le même sang irlandais.

Cher lecteur déjà apeuré, déjà intrigué, ce thriller de Stuart Neville (un premier roman) est haletant, suffocant, terrifiant, sanglant, étouffant, opressant, bouleversant, angoissant, passionnant, stressant, excitant, surexcitant, saisissant, puissant, captivant...

N'ayons pas peur des mots !
Voilà, j'ai usé mes fonds d'adjectifs sur les bancs de cette lecture.
Rien que pour vous !
Faut que j'en garde pour mes prochains livres quand même.

Bref, vous m'avez compris, c'est un très très bon roman.
Bu d'une traite en me rongeant les ongles d'une main...l'autre tenant ferme une Guinness...pour me détendre, brrrrrrrrrrr...
j'en ai encore des frissons...

A lire avec les yeux derrière la tête et les portes verouillées !

"Les lieux que ne hantent pas les fantômes du passé sont des déserts." John Hewitt

Stuart Neville est originaire d'Armagh, en Irlande du Nord. Après des études de musique, il s'est consacré au design multimédia.

"Le meilleur premier roman que j'ai lu depuis des années... Une folle virée au pays de la terreur." (James Ellroy, oulala, rien que ça?)

PS : ah, oui, j'oubliais, double tour les portes, double tour !

A ranger entre le " Retour Killibegs " de Sorj Chalandon et "Les lieux infidèles" de Tana French.

Conseillé par
24 juin 2012

"Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau."

Caryl Férey, pour notre plus grand plaisir, a pris la bonne habitude de nous emmener dans des contrées lointaines.
Après la Nouvelle-Zélande avec "Haka" et "Utu", l'Afrique du Sud avec "Zulu", nous voici en Argentine avec "Mapuche".

Un Mapuche est un indien d'Amérique du Sud.
Mapuche signifie "peuple de la Terre".
Les indiens mapuches habitent le sud de la région andine entre le Chili et l'Argentine.

Jana est mapuche, "fille d'un peuple sur lequel on avait tiré à vue dans la pampa".
"Ecrasés militairement lors de la Grande Battue à travers la pampa comme des lapins à coups de Remington, livrés aux écoles religieuses ou comme esclaves."

Elle est sculptrice dans un squat d'une ancienne gare.
Jana sculpte des bouts de ferraille. De la récup'.
En boucle, elle écoute Jesus Lizard, groupe mythique de "noise rock". De bon goût, ma foi.
Elle a 28 ans et un look de guerrière. Elle garde près d'elle le couteau mapuche que lui a légué son arrière grand-mère.

Ruben est détective privé. La quarantaine coquette.
Son père, poète célèbre et sa petite soeur sont torturés.
Ils vont mourir...presque devant ses yeux.
Atroce !

En pleine Coupe du monde de football. En 1978. Deux ans après le coup d'Etat de Videla.
L'Argentine sera sacrée championne du monde.
C'est Videla, chef de la junte militaire, qui remet la coupe au capitaine argentin.
Les insouciants houras des supporters couvrent les horribles cris des suppliciés à deux pas du stade.

Nous sommes à présent dans la nouvelle Argentine, celle d'après la dictature, celle d'après la crise.
"Les banques et des multinationales avaient fait les poches du cadavre politique du pays..."
Un cadavre encore chaud, brûlant.
Les tortures, les meurtres des opposants et les disparitions d'enfants volés du Général Videla et de sa complice église catholique argentine.
C'était il y a plus de 30 ans et pourtant...

Jana et Ruben, ces deux blessés à vif, au passé ensanglanté, vont se retrouver mêlés à une sordide histoire.
Normal nous sommes dans un thriller, brrrrr...
"Ancêtres ou disparus, ils couraient tous les deux après la même chose : des fantômes."

L'Histoire de l'Argentine.
Toute l'Histoire de l'Argentine et ça va nous économiser au moins des tonnes et des tomes de livres d'Histoire assoupissants et prétentieux. (V'là déjà une bonne nouvelle !)

Celle des conquistadors "qui avaient recherché en vain ces fabuleuses mines d'argent dont parlait la légende, et qui avaient donné le nom de cet eldorado dépressif : l'Argentine."

Celle des Mères de la Place de Mai et des Abuelas.
Celle des militaires sanguinaires.
Celle des Vols nocturnes de la Mort où les "subversifs" endormis au Penthotal sont jetés d'avion en pleine mer.
"Un mort, c'est un chagrin. Un million, une information."
Celle d'une traite église.
"Iglesia ! Bassura ! Vos sos la dictatura !" (je vous laisse traduire)

Férey excelle à nous raconter des histoires dans l'Histoire.
L'écriture maîtrisée et efficace de Férey (trois années d'écriture non-stop) reste toujours émouvante et poignante.
Certes certains passages du livre sont difficilement supportables.
Mais cette littérature là sait nous montrer les hommes tels qu'ils sont...parfois, trop souvent : cruels et bêtes, sadiques et pervers, aveuglés et soumis !

"Le soleil grimpait dans le ciel bleu roi quand Jana quitta l'escalier, ses sacs à l'épaule. La Ford attendait devant la grille. Elle referma la porte coulissante sans écouter les supplices du prêtre. La Mapuche huma l'air du jardin des sculptures. Une odeur de gibier flottait quelque part, entre plaines et hautes herbes : c'était l'heure de la chasse..."

Jana la mapuche est une guerrière sur la piste de la vengeance.
Suivez-la bien...

Terrible !
Remarquable !
Impressionnant !

"Comme dans "Haka" et "Utu", une deuxième partie se profile (qui n'est pas une suite) : elle se déroulera au Chili, plus spécifiquement autour des Mapuches et des lois anti-terroristes dont ils font l'objet. Mais c'est une autre histoire..." annonce Caryl Férey.

Caryl Férey devient, au fil de ses livres, un véritable écrivain qui compte aujourd'hui...comme on dit d'un auteur de talent !