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Librairie N.

18,00
Conseillé par (Libraire)
5 novembre 2020

Nos chers enfants

Un narrateur revient devant le lecteur sur les événements troublants survenus dans la ville de San Cristobal et s'interroge sur l'enfance, ce continent inconnu.

Quel sens donner après coup au surgissement de ces bandes d'enfants vivant entre eux et parlant un dialecte incompréhensible ? Constituant une contre-société close, volant, jouant et disparaissant à tour de rôle au grand dam d'adultes dépassés, ils les débordent par le jaillissement de leur vitalité. Ceux-ci étant incapable d'interpréter ce comportement illogique et les signes (s'il y en a) que constituent ce défi lancé à la civilisation des adultes rationnels.

Une angoisse sourde et une tension violente traverse ainsi le lecteur tout au long de la lecture de ce court roman captivant par son étrangeté si proche de nous.
Car quoi de mieux connu et étudié que l'enfant et son développement ?

L'enquête que reconstitue pièce par pièce pour nous ce fonctionnaire à l'enfance de cette petite ville de province se révélera passionnante. Les indices semés au fil du roman ne laissant que supposer une fin tragique, un dénouement insupportable et inacceptable à la hauteur de ce texte remuant. Une lecture troublante et angoissante qui aura continué de m'interpeller une fois le livre refermé.

Martin

25,00
Conseillé par (Libraire)
31 octobre 2020

Roman national, roman choral, chef-d'œuvre total

Ce classique, d'abord publié sous forme de pièce de théâtre en 1947 puis en roman en 1976 deux ans avant la mort de l'auteur, est enfin traduit par Hélène Belleto-Sussel. Elle retrace en introduction l'importance de ce texte dans le récit national tchèque. Il alterne une pluralité de points de vue de Pragois pendant la Seconde Guerre Mondiale pour nous faire ressentir toute l'atrocité qu'elle a pu représenter pour les habitants d'une petite nation slave sans défense.

Le personnage principal, autour duquel semble graviter ses comparses, est Karel Novotny, employé de banque et rapidement déporté en camp de concentration à cause d'un homonyme député communiste.

Tous les personnages ont pour points communs leur intégration dans la bonne société pragoise et une bonne dose d'illusion quand aux événements à venir, personne ne voulant renoncer à la douceur de vivre pragoise. La Valse du titre c'est bien entendu Le Beau Danube Bleu de Strauss, que l'on écoute bien volontiers jusque tard le soir dans les cafés au bord de la Vltava.

Peu de psychologie des personnages ici, pas d'atermoiements, on suit directement l'absurdité puis l'horreur de l'occupation (l'instauration d'un protectorat allemand en mars 1939 se faisant sans coup férir grâce à la lâcheté de leurs alliés, cocorico) à travers l'alternance de chapitres courts et de scènes frappantes (l'arrestation rapide et sans explication pour le lecteur de Karel Novotny), parfois tragi-comiques (une femme recherche son chien au milieu d'une parade d'officier SS) qui instaurent une tension et une nervosité qui ne retombent jamais.

L'atmosphère délétère de fin du monde dans une Prague plus triste que jamais prend le lecteur aux tripes, pendant que Karel Novotny tente de comprendre les codes pour survivre en camp de concentration (et d'expliquer l'aberrante erreur qui lui vaut sa "place" ici).

Roman-fleuve, roman national qui tient toutes ses promesses.

Martin

précédé de Complainte pour les 77 297 victimes

Le nouvel Attila

Conseillé par (Libraire)
31 octobre 2020

Le martyre des juifs de Boheme

Roman fort et émouvant, puisqu'il narre le martyre, d'une population, les juifs de Bohême, et d'une ville, Prague, écrasée sous la botte des nazies.

Un auteur, Jiri Weil, juif et communiste qui, avec Ota Pavel et Ferdinand Peroutka, démontre qu'il y a encore des auteurs classiques méconnus à (re)découvrir du côté de la littérature tchèque. C'est à peu près le cas pour les littératures de chaque langue et chaque pays me direz-vous, je relèverai donc simplement cette heureuse juxtaposition de lectures marquantes.

Comme dans toute histoire véritablement humaine, le burlesque côtoie le tragique. En particulier dans l'anecdote véridique ouvrant le roman, celle de l'enlèvement de la statue du compositeur Félix Mendelssohn du toit de l'opéra national tchèque. Et ce selon la volonté du "Protecteur de Bohême" Reinhard Heydrich, terrible personnage de ce roman, parfait alliage de barbarie et d'éducation classique européenne puisque lui reconnaît du premier coup d'œil la statue honnie. Une statue que ses subordonnés confondront avec celle de... Wagner.

À l'instar du Nuage et la Valse de Peroutka, je note un sens aigu de la narration avec des scènes au pouvoir d'évocation frappant, notamment celles se déroulant dans la forteresse-ghetto de Terezin.

Ce roman bouleversant est précédé d'une Complainte pour 77297 victimes, collages regroupant les lois d'exception nazies, des évocations d'individus victimes de ces mesures, mis en perspective avec des extraits de l'Ancien Testament. Un monument en soi.

Martin

Howard Fast

Agone éditeur

20,00
Conseillé par (Libraire)
31 octobre 2020

Malheur aux vaincus

"- Je te demande de me dire une seule chose, Varinia. Un homme comme Spartacus a-t-il jamais existé ? Pourquoi personne ne peut-il rien me dire sur lui ?"

Rome, 71 av. J.C
La révolte de Spartacus est définitivement écrasée. Des milliers d'esclaves sont crucifiés sur la voie Appia, démontrant qu'on ne fait pas trembler Rome impunément.

Des citoyens romains réunis dans la luxueuse villa Salaria près de Capoue, d'où est partie la révolte quatre ans plus tôt, se remémorent devant nous comment un homme ordinaire faillit renverser l'empire le plus puissant jamais constitué...

Le chef-d'œuvre d'Howard Fast (1914-2003), écrivain et scénariste américain, membre pendant un temps du parti communiste, aujourd'hui plus connu pour ses romans policiers publiés sous le pseudonyme de E.V Cunningham afin d'échapper à la censure.

Difficile de rester de marbre devant le souffle épique qui traverse cet ample roman historique, où la beauté de l'idéal se trouve confronté à la loi implacable du plus fort.

Spartacus est un hymne à la liberté jamais manichéen tout au long de ses 450 pages, qui démontre que l'aspiration à un monde débarrassé de la servitude demeure toujours vivace dans la défaite.

" Ils n'étaient pas que des tueurs et des bouchers. Ils étaient quelque chose que le monde n'avait encore jamais vu. Ils étaient ce que les gens peuvent être."

Martin

Conseillé par (Libraire)
31 octobre 2020

Un Cézanne plus vrai que nature

" C'est un vieil homme à la moustache épaissie par la morve, à la barbe raide de graisse mouton (...) On dirait un forgeron invité à la remise de diplôme de sa nièce ."

L'année avait pourtant bien commencé avec un nouveau roman de Mika Biermann... Une des lectures les plus réjouissantes d'avant le confinement est en effet paru en janvier. Il s'agit du neuvième texte de cet auteur allemand.

Installé à Marseille, où il travaille comme guide dans un musée, tout ses romans sont rédigés directement en français.

Une particularité de son œuvre et sa grande diversité : son précédent roman Roi. se rattache au péplum car se déroulant dans l'antiquité romaine, Booming est le premier et unique western "quantique", Un blanc est un roman d'aventures carnavalesque en Antarctique.
Il le dit d'ailleurs très simplement: " qui aimerait déballer le même cadeau à chaque anniversaire ?"

Tout est cette fois-ci dans le titre. Trois jours dans la vie du peintre qui va se retrouver confronter à un fait divers (fictif). Loin de tresser des lauriers et de verser dans l'hagiographie facile et poussive, Mika Biermann s'attache à exposer les conditions matérielles de création d'une œuvre et la vie de Cézanne dans ce quelles ont de plus terre à terre. Une crudité et de fraîcheur que l'on retrouve dans des scènes aux dialogues brut de décoffrage.

Son roman le plus "sérieux" à ce jour, où il expose plus particulièrement une propension à la description de scènes picturales, dans une Provence pas encore touchée par l'industrialisation. Un écrivain facétieux et espiègle dont on ressent à chaque page le plaisir qu'il a à écrire, ça ne se refuse décidément pas.

" Une chouette hôle: sous de lointains toits un écrivain invente une histoire rien que pour utiliser ce verbe une fois dans sa courte vie."

Martin