En compagnie du loup

Ce n'est pas le premier témoignage sur l'emprise qu'un individu peut exercer sur un autre, ou même sur plusieurs, dans le huis clos familial. Ce n'est pas non plus le plus extrême, les faits rapportés ici ne relèvent pas de la justice. Ce n'est pas non plus le témoignage de la victime, mais celui d'une enfant, adolescente et jeune adulte, sorte de dégât collatéral de cette histoire. Page après page, jour après jour, Léa Frédeval raconte l'éloignement et l'isolement de sa mère sous l'emprise d'un homme, les petites humiliations dont il lui fait payer son insoumission, les règles absurdes qui paralysent peu à peu la vie familiale, comme celle de ne jamais avoir un contact physique, y compris avec le nouveau-né ou encore de ne porter aucun bracelet, collier ou bague lors des repas, l'arbitraire et la domination verbale, aussi ridicule qu'efficace. De petites choses en somme que beaucoup taisent de peur de ne pas être pris au sérieux, tant elles ne se révèlent que dans l'intimité du foyer. Il fallait le style acéré et vif de Léa Frédeval pour oser faire le récit de ce qui est bien souven t vécu comme indicible et d'affronter avec humour aussi la gravité de cette question : comment se construit-on dans ce conditions, comment peut-on emporter cette lutte inégale et choisir le parti de la vie. L'écriture est déjà une réponse.