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Kinderzimmer / roman

Valentine Goby

Actes Sud

  • 20 avril 2014

    Bouleversée

    Je pense qu'il est inutile de préciser que ce livre, comme tous les autres traitant de la Seconde Guerre mondiale, n'est pas à mettre entre toutes les mains.

    Aucune romance : des mots, rien que des mots décrivant l'indescriptible et abordant un sujet relativement peu évoqué jusqu'à maintenant : les nourrissons dans les camps de concentration.


    L'auteur fait ici un véritable travail de mémoire, particulièrement utile en cette période où certains Français se retranchent derrière une xénophobie marquée pour expliquer la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons.

    Je ne peux pas parler de coup de cœur – ce serait malvenu –, mais un bouleversement intérieur, des images qui surgissent devant mes yeux, des cauchemars la nuit, des phrases qui resurgissent à tout moment dans mon esprit ; ce livre m'a vraiment perturbée par son intensité et j'en remercie Valentine Goby, car j'espère qu'il fera réfléchir ceux qui sont tentés par un retour à ces années de cruauté pure.

    N'oublions pas : l'Histoire n'est qu'un éternel recommencement !


  • Conseillé par
    17 février 2014

    Déportation, naissance

    Voilà, je me suis décidée à ouvrir ce livre et à le lire.
    Une lecture qui ne fut pas des plus facile, dans le fond et dans la forme.
    Dans la forme car certaines énumérations sont toujours pour moi difficiles à lire. Mais elles reflètent bien ce qui se déroule dans le camp : aucune logique, tout n'est qu'accumulation.
    Dans le fond : l'histoire de cette grossesse et de cet accouchement sans bruit ; de cette lutte pour la survie qui se joue sur des coups de chance.
    Et puis on touche du doigt les corps : non seulement les poux, mais aussi les bubons. Les corps qui tentent par tous les moyens de se réchauffer ; les corps qui défèquent où ils peuvent. Les repas, idées obsessionnelle, et la faim qui ronge de l'intérieur.

    Il reste tout de même de l'humanité dans ce camp : les rapines pour un bout de tissus ou du bouillon plus épais ; une meilleure place de travail trouvée pour une amie ; la Marseillaise fredonnée lors du 14 juillet ; une tétée que l'on offre lorsque son enfant vient de mourir.
    Que dire d'un tel livre si ce n'est que sa lecture est indispensable....
    L'image que je retiendrai :
    Celle de la tétée offerte par une femme russe dont le bébé venait de mourir.


  • Conseillé par
    15 février 2014

    En ce temps-là, Suzanne s'appelait Mila; c'était un nom de code, son nom de résistante. Elle codait les messages et cachait des résistants. Elle était jeune, ne connaissait rien de la vie, de l'amour, mais vivait dans l'urgence comme ceux qui mettent leur vie en danger. Tout bascule le jour où elle est dénoncée et déportée. Vers où ? Nul ne le sait. L’Allemagne sans doute, un camp de travail probablement... Mila ne se doute pas qu'elle part pour l'enfer. À Ravensbrück, des milliers de femmes tentent de survivre à la faim, au froid, à la maladie, aux travaux forcés, aux brimades, aux sévices. Mais Mila s'inquiète surtout pour le secret qu'elle cache au fond de ses entrailles, fruit d'une nuit d'abandon dans les bras d'un résistant de passage. Cet enfant qu'elle va mettre au monde est-il condamné à mort ? Non, dans le camp, Mila n'est pas un cas isolé et il existe une "nurserie", la kinderzimmer, chambre des enfants.

    C'est dans cette pièce sombre et gelée que Mila voit son enfant dépérir, vieillir prématurément, malgré tous ses efforts, malgré le lait offert par les autres prisonnières, malgré le temps qui joue en sa faveur, les alliés ont débarqué, la guerre touche à sa fin...
    Le camp qui avilit, qui déshumanise... L'horizon qui se réduit à un quignon de pain sec... Le règne du "chacun pour soi"... Les jours rythmés par l'appel, les ordres aboyés... Le corps qui lâche, qui se vide, qui n'est plus que plaies... Les fours, les chambres à gaz, la mort partout... Et puis, comme une lueur d'espoir, la solidarité, l'amitié qui éclot, plus forte que la peur, la haine des bourreaux. Un bout de charbon que l'on vole pour réchauffer un bébé, du lait que l'on offre pour le nourrir, l'amour que l'on donne pour remplacer une mère disparue.
    "Kinderzimmer "est une histoire souvent insoutenable qui évoque les atrocités des camps de concentration, le désarroi des détenus après la libération, leur difficile retour, portée par l'écriture incisive, sans concessions de Valentine Goby. Un récit douloureux, éprouvant mais indispensable.


  • Conseillé par (Libraire)
    9 novembre 2013

    On vous le dit d'emblée : c'est dur!
    Le sujet, la maternité dans un camp de concentration en 1944, est dur, le ton est dur, les mots sont durs. Mais dès les premières pages, on est happé par l'histoire de Mila, qui arrive à 22 ans, enceinte, au camp de Ravensbruck. On est happé par ces femmes, déportées politiques, qui vont tout mettre en oeuvre pour que Mila ait son bébé. Malgré la crasse, les insultes, les coups, les poux, le froid, la chaleur, la faim, la puanteur, les humiliations, elles restent entières, se tiennent debout, sauvent les derniers bouts d'humanité qu'il leur reste. Elles poursuivent leurs minuscules actes de résistance, énormes pour elles, même au sein de l'ennemi.

    "Mais pouquoi tu fais ça pour moi?"
    "Parce que tu le ferais aussi..." Et parce que, sans doute, quand tout nous a été enlevé, reste l'humanité qu'on porte en chacun de nous, l'amitié de deux femmes, l'amour d'une mère pour son bébé.
    A lire !!!!


  • Conseillé par
    12 septembre 2013

    Janvier 1944, Mila est déportée avec sa cousine Lisette. Toutes les deux ignorent la destination finale du train où elles sont entassées avec d’autres dans des wagons à bestiaux. Ravensbrück , un camp de travail où elle sont quarante mille. Les différentes langues deviennent vite un seul et même langage où la promiscuité, la peur, la faim, la maladie se lisent sur les visages et les corps. Mila est enceinte .Que se passe t’il pour les femmes comme elle ? Elle cherche et ne voit aucun ventre arrondi. D’ailleurs le sien est plat à croire que l’enfant qu’elle attend se cache par peur. Si l’on découvre son état, elle sera amenée au Revier l’infirmerie d’où aucune femme ne revient.

    Au camp il existe une solidarité entre les prisonnières d’une même nationalité mais aussi le chacun pour soi face à la mort qui rôde en permanence « une guerre dans la guerre ». Mila a informé ses compagnes de block et cet enfant qu’elle porte va devenir leur espoir à elles toutes. A Ravensbrück , il existe un endroit peu connu : une chambre pour les bébés la "Kinderzimmer". Et des nourrissons dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Mila espère que son enfant aura une chance et qu’il vivra. Quand elle n’a plus de lait, une autre femme l'allaite mais l’enfant meurt. Pourtant Mila échappera à la mort avec son fils. Je ne raconterai pas toute l’histoire autour du fils de Mila. Cet enfant du camp a été nourri par plusieurs femmes, aimé par plusieurs femmes : sa mère de sang, sa mère de cœur et ses camarades. Vie et mort cohabitent dans ce livre, comme l’espoir et les pensées de ces femmes pour oublier un instant cet enfer et le sentiment d'être enfermé dans un piège.

    Dans une écriture forte qui puise l’indicible, Valentine Goby n’épargne pas le lecteur en émotions aussi dures et aussi belles qu’elles puissent l’être. Car oui il y a de la beauté dans ce livre par Mila et par toutes les autres femmes ! Le tout avec une pudeur digne et respectueuse.
    Ce magnifique et puissant roman prend aux tripes et je l’ai terminé avec des poissons d’eau dans les yeux…


  • Conseillé par
    10 septembre 2013

    Naître à Ravensbrück

    Je l’avoue, quand j’ai pris connaissance du sujet de « Kinderzimmer », je me suis dit : l’histoire d’une jeune résistante française, enceinte, au camp de concentration de Ravensbrück – écrite par une femme, en plus –, attention, on veut nous prendre en otage. Donc j’ai ouvert le livre sans trop y croire. Et trois heures et demie plus tard, ressortie du roman complètement bouleversée, je me promettais ne plus jamais exprimer de tels jugements à l’emporte-pièce.

    Avant d’entrer dans le réseau, Mila s’appelait Suzanne Langlois. Sa mère s’étant jetée par la fenêtre pour abréger les souffrances liées à la maladie, elle habitait avec son père mutilé de guerre et son grand frère dans leur boutique de la rue Daguerre, où elle vendait des partitions de musique. Lorsque les Allemands ont occupé Paris, la boutique est devenue un lieu de renseignements clandestins. Une nuit, Mila a abrité un résistant blessé et leurs corps ont trouvé dans l’étreinte une consolation mutuelle. Quelques semaines plus tard, Mila était embarquée avec sa cousine Lisette dans le cauchemar nazi. D’abord un centre d’internement en région parisienne puis Ravensbrück, le camp des femmes.

    Malnutrition, dysenterie, coups de bâtons, interminables appels dans l’aube glaciale, Mila tient bon alors que sa cousine perd peu à peu ses forces vitales. Mila n’y connaît rien, mais elle sent que le fœtus qui loge en elle, lui donne une raison de se battre. Le ventre d’une future mère plongée dans l’horreur concentrationnaire ne grossit pas. Du tout. Il faut que Mila perde les eaux (« les os », croit-elle, tétanisée par l’imminence d’un événement auquel l’environnement purement masculin de son enfance ne l’a pas du tout préparée) pour que ses compatriotes du Block finissent par croire à sa grossesse. De toute façon, à Ravensbrück, aucune femme n’a plus ses règles. À la naissance de James, Mila découvre le monde parallèle de la " Kinderzimmer ", la chambre des enfants. Oubliez les layettes et les ours en peluche : les bébés nés en camp ont maximum trois mois d’espérance de vie. Les rats, le froid et la faim sont leur quotidien. Mais les Alliés approchent, les amitiés les plus indéfectibles peuvent naître elles aussi derrière les barbelés, et Mila est un personnage de fiction : Valentine Goby nous entraîne dans ses pas de survivante forcenée, de mère à toute épreuve.

    L’écriture de cette auteure aux huit romans très remarqués et d’une abondante œuvre pour la jeunesse n’aurait plus besoin d’être louée. Lyrique parfois, mais jamais flatteuse, explicite souvent, mais jamais aride, elle ajoute à la tradition de la littérature concentrationnaire la distance du romanesque, sans jamais rendre indécent le procédé fictionnel. Au contraire, le relief donné aux personnages, ces femmes auxquelles le camp n’est pas parvenu à ôter la singularité, la beauté de leurs sentiments (et non la « bonté »), la construction narrative haletante, en se mêlant aux descriptions omniprésentes du corps et de la maladie, de la faim, de la merde, font non seulement la lumière sur un chapitre méconnu de l’histoire des camps (la naissance de centaines de bébés), mais rendent un hommage puissant à la victoire de l’humain sur la barbarie.

    Les dernières semaines de sa captivité, Mila se force à noter sur de minuscules morceaux de papier tous les indices qu’elle récolte de l’extermination des prisonnières, pour témoigner un jour, peut-être. « Kinderzimmer » remplit cette mission. Un roman qui se lit en apnée, un fragment de mémoire charnel et indispensable.

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